vers 1965, je sors du lycée en hiver, il fait presque nuit; je passe devant l'église où nous nous rendons le dimanche, et je m'enhardis, je rentre, l'intérieur est très sombre. Je grimpe à la tribune, pas de porte ni de clef, et là, au milieu, trône un magnifique Bossard-Bonnel.
je m'approche timidement, soulève le couvercle, et je vois l'alignement des tirants de jeu, en porcelaine ornée d'un filet d'or; vais-je oser? oui, je tire le jeu de "basson", appuie sur une note, et pousse la pédale de gauche avec le pied...
un son qui me sembla à l'époque tonitruant jaillit de l'instrument et se met à rouler dans l'édifice avec une réverbération qui semble n'en plus finir...tout surpris des conséquences démesurées de mon geste, je repousse le jeu, je ferme le couvercle un peu brutalement, nouveau roulement de tonnerre, et je dévale l'escalier, pressé de fuir avant que quelqu'un ne se rende compte de mon incroyable audace...
bien sûr, ça fait sourire, mais c'est sans doute ce genre de petites émotions qui refait surface bien des années plus tard, et qui conduit quelqu'un qui n'a pas toujours le temps pour l'essentiel, à en prendre pour nettoyer une par une les soixante douze touches d'un clavier envahi par les vers...
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