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 Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"

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Olivier Schmitt
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Olivier Schmitt


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MessageSujet: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" EmptyDim 26 Juin 2011 - 13:46

Voici un article que je viens de traduire, intéressant à plus d'un titre.

Der Harmonium Freund, n° 1, 1927, pp. 4-5

Comment je suis arrivé à l’harmonium.
Par Sigfrid Kar-Elert.

"J’étais un gamin de 12 ans à peine, quand je m’installais à un petit harmonium Estey à la Maison missionnaire de Leipzig. Il trônait dans un coin sombre, mais me semblait alors briller d’un éclat de magie mystique. Le son doux et calme remplissait la pièce comme la pâle lumière du croissant de la jeune lune ; je ressentis cela dans mon cœur : « tu deviendras joueur ou constructeur d’harmoniums. » Je jouais depuis environ six mois les chorals à l’office des enfants et en était très fier. J’étais encore très impressionné par les touches noires ; je me rendais à l’église Saint-Jean pour l’orgue (celui-là même qui avait été joué par le Grand Sébastien [Bach]) ; ce n’était vraiment pas un bel instrument (il avait les dièses en ivoire et les naturelles noires), mais il y avait quelque chose d’impérial qui venait de ce grand corps classique.
"Mes premières compositions étaient destinées à l’orgue et au chœur. Mon estime de l’harmonium par rapport à l’orgue pouvait être comparée à une pâle jeune fille face à un homme dans la force de l’âge : il était impensable que quelqu’un qui aimât l’orgue puisse éprouver quelque affection envers l’harmonium. Les années suivantes furent une sorte de vagabondage sauvage et romantique, m’éloignant de la musique d’église pour me rapprocher du piano et de l’orchestre. J’apprenais au fur et à mesure les caractéristiques des instruments à vent (bois et cuivres), du cor et mon savoir s’élargissait jusqu’au saxophone.
"Au Conservatoire je terminais les très éclairantes classes de maître d’Alfred Reisenauer et composait de manière détachée, à la manière de Reinecke. Je fis la connaissance d’Edward Grieg, que j’ai pris comme professeur et protecteur, et que je ne remercierai jamais assez. J’ai ensuite étudié l’orgue avec Homeyer, organiste titulaire du Gewandhaus [de Leipzig], sans que puisse trouver d’attrait à l’art de son jeu d’orgue, soigné mais figé. C’est alors qu’arriva [Karl] Straube à Leipzig, qui surprenait par sa virtuosité organistique phénoménale, son interprétation inouïe de la musique de Bach et des premières œuvres de Reger. D’un coup, après une longue attente, s’est réveillé en moi l’amour de Bach et l’intérêt de l’art de l’orgue. À cet instant je me suis dit qu’il y avait enfin la possibilité de réaliser mes rêves les plus profonds auxquels je croyais devoir renoncer. Un ardent désir était en moi : m’exprimer à l’orgue, mais l’ombre imposante de Reger occultait encore la lumière. Il est clair que j'avais de bonnes connaissances, mais pas ce qui n’était en fait que volonté, et j’étais complètement découragé de ne pas ressentir cette force intérieure et de devoir rester dans l’ombre. Cependant ma pulsion d’écrire pour l’orgue était insurmontable.
"Je me procurais à cette époque un harmonium Mason & Hamlin de 2 jeux ½ et composais les 6 Esquisses, qui parurent comme op. 10 chez Robert Forberg en 1904 (originellement op. 1, c’est la maison d’édition qui ajouta le 0). Par la suite je me suis essayé à de plus grandes formes, comme Reger, surtout que nous nous connaissions et qu’il appréciait ce que je faisais. Je composais donc la Première Sonate, la Fantaisie et fugue, la Passacaille et les 6 Monologues (dédiés à Reger). Mon éditeur Forberg se refusait à ce que de telles pièces ne trouvent pas d’acquéreur. Il prit contact avec le pionnier de la musique d’harmonium, Carl Simon. Les morceaux était bons à adapter, mais librement : ils étaient pensés pour un instrument apprécié, mais que je ne possédais pas moi-même. Simon pris en charge l’édition de mes pièces en 1904 mais à la condition que j’apprenne à connaître l’harmonium d’art.
« Harmonium d’art ! » quel drôle de mot : cela sonnait avec une emphase anti-artistique, comme si l’orgue, le piano, les cordes pouvaient être étiquetées comme « orgue d’art », etc. J'allais à Berlin et étais certainement armé de préjugés contre cet harmonium d'art. Monsieur Willy Simon me présenta l'instrument d'une manière habile à l'improviste, et à sept heures, je reconnaissais par intuition la valeur extraordinairement artistique de cet instrument véritablement miraculeux. Je n’étais pas fatigué, jusque dans la nuit d’essayer cet instrument : ici il s'agissait de découvrir les miracles sonores, les grandes valeurs expressives et de lever des trésors pour l'avenir.

"Je connaissais mon chemin : il ne passait pas par l’instrument qui avait ému mon cœur d’enfant, pas les harmoniums allemands ou étrangers à dépression avec leurs registres à moitié ouverts, pour lesquels j’avais écris mes premières compositions pour harmonium, qui étaient en fait des pièces pour orgue déguisées, mais pour l’harmonium d’art (dont je n’aime pas plus le nom qu’autrefois), avec ses inépuisables ressources expressives, sa richesse de couleurs, sa perfection technique, qui est la réponse la plus aboutie à toutes mes plus hautes exigences artistiques. Sans pensée mercantile et sans aucun calcul, j'ai consacré les meilleures années de ma vie à l'harmonium — toujours au sens d’harmonium d'art —, non sans critiques véhémentes de la part de Straube et de Reger… Mais enfin je me suis libéré de la « chose harmonium » et ai pu pleinement consacrer mes forces de composition au mieux dans le service d’un art commun (le piano, orgue, orchestre, musique de chambre).
"Je croyais solidement et sacrément en la croissance de l’harmonium d'art et à sa longévité — c’était sans compter sur la crise économique — comme si cet art spécial ne devait s’enrichir d’aucun effet essentiel supplémentaire. Pourtant, je crois aujourd'hui à nouveau qu’avec la reprise économique le mouvement de renouveau de l’harmonium d'art va reprendre son cours, plus loin et plus haut."
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MessageSujet: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" EmptyDim 26 Juin 2011 - 22:25

Effectivement !

Outre le fait que l'orgue de Saint-Jean paraissait barbare avec ses touches de couleur inversées, il et intéressant de voir les préjugés de Karg-Elert et la"conversion" de celui qui allait livrer parmi les pages les plus intéressantes pour cet instrument.
Les préjugés restent malheureusement d'actualité. Puissent les conversions croître et le répertoire aussi !

Je suis surpris de voir que les 6 esquisses ont été écrites pour un aspirant de 2 jeux et demi, même si c'est un Mason-Hamlin dont les timbres sont soignés..
Qu'en pense nos concertistes ?
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Olivier Schmitt
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Olivier Schmitt


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MessageSujet: Re: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" EmptyLun 27 Juin 2011 - 5:41

Ces pièces ont été composées "sur" et pas "pour" un instrument de 2 jeux ½. Comme Karg-Elert l'écrit lui-même, il rêvait d'un instrument dont il ne disposait pas, le Normalharmonium dont il donne une description assez poussée :

Basses FF-h
1 Diapason 8’, moyennement fort, tranquille.
1p Diapason dolce 8’, emprunt très doux du 1.
3 Viola 4’(ou Prinzipal), fort.
3p Viola dolce 4’, registre d’accompagnement très discret. Emprunt du 3.
6 Aeolsharfe 2’, deux rangs, ondulant à la sonorité éthérée.
7 Subbaß 16’ (C-H), très fondamentale, rappelle l’orgue à tuyaux.

Dessus c’-f’’’
1 Melodia 8’, ronde, large, son d’orgue, très expressive.
1p Dolce 8’ (ou Melodia dolce ou Flûte d’amour), voix de solo, flûtée, emprunt du 1.
2 Clarinette 16’, sombre et tendue.
3 Flöte 4’, piquante et lumineuse.
4 Oboe 8’, son orchestral son d’archet, emprunt du 4f.
4f Schalmei 8’, prononciation très marquée, rappelle la musette.
5 Vox jubilans 8’, jeux ondulant, combinaison de 1 et 4.
W Waldhorn 16’, son très plein et orchestral.

Accessoires
G Grand jeu (1, 3 / 1, 2, 3, 4f, W, OK), genouillère gauche (les jeux entrent progressivement).
F Forte ou Expres​sion(genouillère droite).
Vh Vox humana, volet tournant à l’aplomb des dessus, fait discrètement trembler le vent.
OK Oktav-Koppel, accouplement d’octaves (octave grave pour les basses, octave aiguë pour les dessus).

Cet instrument, bien que n'ayant réellement que 5 jeux (dont une seule octave pour la Subbaß 16) devait déjà être fort coûteux et il semble que Karg-Elert ne roulait pas sur l'or. Karg-Elert a révisé plusieurs partitions qui avaient été registrées pour harmonium simple à la demande de Carl Simon, qui en plus d'être éditeur de musique, vendait les partitions et les instruments, en particulier les harmoniums Titz, qui étaient des copies Mustel de très haute qualité (voire supérieures au modèle d'après Mark Richli). Il est probable que Simon a offert un instrument à Karg-Elert en l'échange de commandes destinées à l'harmonium d'art (il existe un cliché de KE au piano avec en arrière fond un harmonium avec une vingtaine de registres, qui ressemble à une caisse Mustel...).

Ce qui me surprend également, c'est qu'il ne parle que d'instruments aspirants américains, alors que Leipzig était la ville où Theodore Mannborg avait installé ses ateliers et magasins. Ce témoignage confirme également ce que j'avais lu par ailleurs (mais où ?) qu'il était mal vu en Allemagne d'écrire pour harmonium, d'où le revirement de Reger (qui écrit à son éditeur à propos de version pour harmonium des petits chorals de l'op. 135 "ne confiez surtout pas ce travail à cet affreux Karg-Elert") et Straub...


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Bastien Milanese
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MessageSujet: Re: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" EmptyLun 27 Juin 2011 - 5:53

Très intéressant témoignage. Merci pour le travail de traduction.... travail très chronophage s'il en est.

Par curiosité, que contient ce n°1 de "Der Harmonium Freund" ?
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Olivier Schmitt
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Olivier Schmitt


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MessageSujet: Re: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" EmptyLun 27 Juin 2011 - 7:00

Voici le contenu du n° 1 de Der Harmonium Freund

"Quel est l'objet de Der Harmonium Freund" par le pasteur Siefried Abramczyk
"Les 60 années des éditions Carl Simon" par Willy Bitterling-Lehe
"Beethoven" par Georg Finke
"Comment je suis venu à l'harmonium" par Sigfrid Karg-Elert
"La danse" par Otto Hanke
"Paul Friedrich" par W. B.-L.
"Le public à la caisse" par Titus
"Le salon, patrie des artistes" Par Doris Kackwitz
"Annonces diverses"
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Jonathan Bridoux




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MessageSujet: Re: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" EmptyLun 27 Juin 2011 - 23:36

Article passionnant! Un beau témoignage et pas de n'importe qui... merci!
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Christoph




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MessageSujet: Re: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" EmptyMar 28 Juin 2011 - 4:47

Merci Olivier pour la traduction. Peux-tu aussi poster la version l'originale en allemand?
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Olivier Schmitt
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Olivier Schmitt


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MessageSujet: Re: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" EmptyMar 28 Juin 2011 - 6:26

Voici l'article original (merci à Frans Van den Grijn)

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Christoph




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MessageSujet: Re: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" EmptyMer 29 Juin 2011 - 19:20

Merci!
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MessageSujet: Re: Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium"   Karg-Elert : "Comment je suis venu à l'harmonium" Empty

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