Debain de salon 4 jeux 1/2 sur deux claviers

Bonsoir à tous,

Voilà, j'ai racheté le Debain de 4 jeux 1/2 sur deux claviers qui appartenait au CDFO et me suis attelé à son transport chez moi (merci à F. Mayeur qui m'a aidé à le charger).
Il est extrêmement lourd et j'ai eu bien de la peine à le sortir (tout seul) de la voiture (merci Renault Kangoo !).
Il est stocké au propre et au sec, bien protégé avant que je puisse me consacrer à sa remise en état (éléments de menuiserie des parties basses à refaire partiellement, réfection complète des pompes, démontage complet, nettoyage, traitement et reprise de l'esthétique de tout le meuble, vérification et réglage des mécanismes, un peu d'accord...).

Cet instrument assez ancien (1875) sera très beau, il n'y a pas à en douter.

Pour rappel : https://harmonium.forumactif.org/t2136-harmonium-debain-4-ejux-1-2-sur-deux-claviers-1876?highlight=Debain+cdfo

Et quelques photos du périple d'aujourd'hui :

Superbe acquisition, bravo !!
(Et bravo aussi pour le déménagement...)

Et je remercie tout autant Mathieu, qui m'a gracieusement envoyé une pommette pour le 1/2 Grand-jeu des dessus, qui manquait au départ.

Bravo pour cette acquisition, et bon courage pour la suite ! J'avais un Debain de la même époque, depuis revendu : la sonorité est effectivement très belle.

J'ai rapidement démonté l'instrument pour inspecter plus en avant l'état d'icelui. Le sommier est assez léger une fois les claviers et les mécanismes du tirage des jeux retirés. La caisse reste en revanche extrêmement lourde.

Si les parties supérieures sont très saines, la semelle a été fortement attaquée par le ver et je devrai remplacer les menuiseries inférieures pour garantir une bonne stabilité. À l'heure actuelle, le meuble s'est un peu déformé (la caisse s'est élargie en bas, et forcément légèrement rétrécie en haut). Je serai donc bon pour tout désassembler et tout recoller d'équerre après un nettoyage en profondeur. J'en profiterai encore pour fixer une planche en contreplaqué sur l'espace vide entre les pieds arrière et la traverse avant pour encore rigidifier l'ensemble.


J'ai nettoyé les mécanismes de la table des soupapes de registres. Rien à signaler de ce côté, à part l'épaisseur considérable desdites soupapes ! Le sommier ne présente pas de défaut. Un nettoyage sera toutefois nécessaire, ainsi qu'un regarnissage complet du tirage de notes.


J'ai retrouvé à l'arrière du meuble un poinçon indiquant clairement la date de fabrication : 1876.

J'ai profité du confinement pour avancer pas mal sur l'instrument. Le meuble et ses différentes parties ont été entièrement poncés, reteintés et cirés. Une semelle en chêne massif (provenant du couvercle d'un Debain ruiné) a été constituée pour consolider la structure.


Tous les laitons ont été nettoyés et vernis

Les genouillères ont été entièrement démontées, recollées, replaquées, reteintées, renforcées par des plaques métalliques avant d'être regarnies.


Le bloc sommier/clavier/tirage de jeu a été entièrement restauré (pas une vis n'a été épargnée) :
- démontage complet de chaque partie ;
- dépoussiérage et traitement ;
- désoxydation et vernissage des pièces métalliques (laitons, crochets, ressorts, ferrures diverses) ;
- reprise de l'intégralité des vernis des boiseries ;
- changement de tous les feutres, casimirs, mouches et autre tissus... ;
- renouvellement de certains placages abimés (plus teinte et vernis) ;
- nettoyage des registres et de leurs mécanismes.


La suite au prochain épisode.

J'ai restauré la table des soupapes de registres :
- nettoyage et reprise des vernis après traitement (xylophène), rebouchage et reprise des vernis ;
- démontage de tous les mécanismes (dessus et dessous de la table) ;
- rembourrage de deux portions de boudin d'étanchéité (sur le cordon arrière du 4 Hautbois) et complément de peau pour recouvrir les greffes ;
- nettoyage des mécanismes, désoxydation des pièces en acier et vernissage ;
- remontage et réglage de l'ensemble.


Après cela je me suis attelé aux pompes, qui nécessitaient un démontage complet. C'est la première fois que je faisais cela, et malgré le côté impressionnant que cela peut présenter, il suffit d'être bien organisé, prudent, méticuleux et de prendre tout le temps qu'il faut (tous les collages à la colle de peau de lapin, tous les cuirs sont en mouton) :
- démontage et restauration complète de la soupape d'expres​sion(cadre, peausserie, ressorts, etc.) ;
- démontage des mécanismes des genouillères et de tous les supports en bois (caisse à vent) ;
- dépose de l'intégralité des pompes après avoir pris toutes les cotes ;
- préparation de nouvelles soupapes anti-retours ;
- mise en blanc des éclisses, des tables mobiles et de la table fixe, reconstitutions de deux éclisses fendues ;
- collage des bandes de sergé sur les éclisses et les tables mobiles, des bandes de peau sur le pli intérieur des éclisses, des papiers (éclisses, tables mobiles et fixes) ;
- montage des éclisses sur les tables mobiles (sergé) puis de ces éléments sur la table fixe ;
- collage des cuirs sur toutes les charnières, sur les aines et les grandes charnières (entre tables mobiles et fixes) ;
- papiétage.


J'ai commencé le papiétage des tables mobiles (pourtour), mais ne le terminerai qu'au dernier moment, juste avant de réinstaller le bloc soufflerie dans le meuble. J'ai également proprement rebouché un des portevents qui avait été ouvert au canif (réellement !) pour installer une ventilation électrique.

Après j'ai restauré la caisse à vent.
- retrait du boudin d'étanchéité complètement mité (un neuf en copie sera commandé à Cyrille Jourdain) ;
- détapissage du papier "Cavaillé" (vert bronze gaufré en losanges), pour corriger des fentes de surface ;
- papiétage (le même que pour les soufflets) ;
- remise en place des supports des mécanismes ;
- ajustage et étanchéité de la soupape d'expression ;
- remplacement des soupapes anti-retours après étanchéification des côtés (papiétage intérieur, rebouchage extérieur après traitement contre les parasites et vernissage) ;
- ajout de peau sur les assemblages intérieurs et extérieurs de la caisse pouvant laisser passer le vent.


Je dois encore désoxyder les ressorts intérieurs des pompes, les tiges métalliques des mécanismes de genouillères et du tirant d'expression, regarnir leurs orifices de feutre. Après quoi, je referai les papiers des portevents et du réservoir compensé (ce dernier ne demandant pas de travail particulier – ouf !).

Il me restera à refaire les deux leviers de pompes (l'un n'étant plus d'origine et le second, d'origine, étant complètement vermoulu) ainsi qu'une partie de la traverse qui les supporte. Cela sera refait en vieux chêne bien sec et droit (bois récupéré sur d'anciens bancs de l'église de Hayange), et il ne restera plus qu'à remonter le tout.

Suite des opérations. En attendant que Cyrille Jourdain réalise un joint d'étanchéité en copie pour la caisse à vent, j'ai restauré la partie inférieure du meuble (remplacement des traverses en sapin complètement vermoulues par de nouvelles en vieux chêne provenant de bancs supprimés à l'église de Hayange), réinstallé la soufflerie, reconstitué les leviers de pompes (dans le même vieux chêne que précédemment cité) avec leurs axes (bagues en laiton insérées dans le bois et tournant sur des axes en acier – merci à mon père qui a tourné ces pièces), restauré le support des leviers, reconnecté les pompes sur de nouvelles pédales (les anciennes étant trop vermoulues) et commencé à remettre les moulures et certaines décorations en place.


Observations : les pompes sont extrêmement performantes (résistance invincible quand les anti-retours sont bloqués). La soupape d'Expression n'est pas tout à fait étanche (point délicat sur les Debain de cette époque) parce qu'un des deux ressorts n'est pas assez tendu (sa vis ne mord plus assez dans le bois – je la changerai par un vis légèrement plus longue et de diamètre supérieur).

Bientôt la fin du chantier !

J'ai fait quelques greffes de placage sur les plinthes à l'arrière de l'instrument. La boiserie présente bien sous toutes les coutures (même si quelques moulures sont à recoller/reconstituer).

Cyrille Jourdain a confectionné un nouveau joint d'étanchéité pour la caisse à vent. Cela m'a permis de continuer le chantier. L'instrument a trouvé sa place à côté des deux Mustel et du Pedalion van den Burg dans ma salle de musique. Maintenant commence la longue phase de réglage, mais j'ai déjà pu le jouer. Tout fonctionne et la plupart des cornements ont été résolus. Il reste encore quelques anches muettes dans le dessus du Fifre, mais il faut prendre son courage à deux mains pour lever l'énorme sommier. Les températures actuelles n'y aident pas trop...


Premières observations :
- L'accord est franchement très bon pour un instrument de 144 ans qui était à l'abandon ! Diapason relevé : A4 = 436 Hz, mais A3 = 220,6 Hz et A5 = 879,8 Hz (il fait très chaud en ce moment).
- L'harmonie est très belle (très différentes des Mustel) avec des timbres bien marqués.
- L'harmonie est assez forte : je pense que cet instrument couvre l'Orgue-Célesta et mon Mustel Classique, sans pour autant "gueuler". C'est puissant et intense.
- 1 et 2 sont assez ronds, sans lourdeur. 1 répète extrêmement bien, la percussion serait presque superflue.
- Les 3 et 4 sont beaucoup plus incisifs, même forte fermés.
- Mention spéciale pour les Forte, qui équivalent à un véritable "appel des chamades". Quand on les ouvre, les jeux arrière développent un spectre harmonique extrêmement riche. Les différentes possibilités d'actionner le G permettent de jouer sur cette caractéristique (les genouillères ouvrent 1234 avec les forte, alors que les registres G n'agissent pas dessus).
- Les combinaisons sont très sympathiques (effets de tremblant, jeux atténués pour les deux ondulants, etc.). C'est peut-être anecdotique, mais cela permet d'enrichir une palette de seulement 4 jeux 1/2.

En clair, même si le travail a été assez considérable, voilà un Debain qui ne manque pas de caractère.

Après réglage de la plupart des cornements et sifflements divers, j'ai décidé de procéder à un nettoyage complet des anches. Certaines étaient très encrassées en raison de fuites sur les soupapes. Les 276 anches sont donc passées au bain d'ultrasons (deux jours et demi de travail).


Une seule est fêlée, dans les dessus de la Voix céleste. Ses dimensions très spéciales ne vont pas faciliter son remplacement. J'ai pris contact avec Louis Huivenaar qui va regarder s'il a cela en stock, sinon, il faudra ôter les rivets de l'anche et en refaire une en copie.

En attendant, l'instrument est pleinement jouable et l'accord général est revenu droit comme un "i".

Voici le premier enregistrement mondial de ce Debain : Lefébure-Wely : Boléro de Concert op. 166. Dans la partie centrale, j'ai utilisé la Voix humaine à droite, qui a des accents de "Castafiore".

Bonjour Olivier,
Ça valait le coup de faire tout ce travail ! J'aime beaucoup la générosité du son et sa définition, notamment dans les basses, qui est excellente (je suppose que tu as utilisé la percussion, même si l'on n'entend pas le mécanisme des marteaux). Comme souvent sur ces instruments anciens, les timbres sont attachants et plus on les joue plus on les apprécie (c'est en tout cas ce que je ressens personnellement).
Bon courage pour la suite...

Merci Jean-François. Les travaux ne seront plus que cosmétiques maintenant : j'ai réglé tous les cornements et autres sifflements. Il me reste à remonter les moulures du couvercle, le couvercle et à refaire le panneautage arrière. Dominique Lavabre m'a très gentiment envoyé une anche de dimensions similaires à celle cassée dans la Voix céleste.



Et l'instrument n'a pas de percussion, les anches répètent extrêmement bien.

J'ai replacé le couvercle, avec ses charnières et la béquille. Il ne reste plus que les moulures à copier et à coller.

Dernières nouvelles du Debain. J'ai revu l'accord de quelques anches, remplacé l'anche cassée de la voix céleste et fait quelques enregistrements.

Voici la "Noce bretonne" de Lefébure-Wely (extraite des "Chants du Soir" op. 50). [Ca devait pas trop être la fête à ce mariage...]

Merci !!!
C'est vraiment un très bel instrument. Bref, un Debain.

Voici le meuble terminé (moulures ajoutées sur les côté des claviers) :


Et un enregistrement d'une pièce "sérieuse" : le Scherzo symphonique op. 55 n° 2 d'Alexandre Guilmant.

Bravo Olivier, quel travail de qualité !