César Franck - Prélude, Fugue et Variation

Le Prélude, Fugue et Variation Op. 18 dans sa version d'origine : harmonium et piano :

https://www.youtube.com/watch?v=HFj_oA4-pTM

Par Joris Verdin(Harmonium) et Arthur Schoonderwoord (piano).

Le commentaire de la video affirme qu'il s'agit de la version première de cette œuvre célèbrissime... Cependant, d'autres auteurs (Servières, Anna Sung, Anne Page, Joris Verdin) écrivent qu'il s'agit d'une transcription, réalisée par Franck en 1873 et jouée par l'auteur le 7 février 1874 avec Vincent d’Indy au piano, lors d'un concert.

Quelqu'un peut-il confirmer ce fait ?

Non, la version originale est le duo piano et harmonium (voir dans la biographie de Joël-Marie Fauquet). D'Indy à souvent bidouillé les chronologies pour arranger l'histoire dans le sens qui lui convenait, et ses dires étaient repris, vu qu'il se présentait comme le récipiendaire de l'héritage franckien.

Je serais plus nuancé car on a pas de preuves ; l'hypothèse qui est le plus souvent mise en avant, et qui conforte la thèse de l'œuvre originale pour harmonium et piano, est l'écriture de l'accompagnement en doubles croches dans la variation : il tombe sous la main quand il est joué à la main droite (donc, pensé pour le piano).
Fauquet date la pièce de ca1865 ; la version pour orgue a été créée en novembre 1864 par Franck.
"on incline à penser que la version pour harmonium et piano de Prélude, fugue et variation préexistait à la version pour orgue, à laquelle elle est supérieure musicalement". (Fauquet, Franck, Fayard, p. 350).
Personnellement, je ne trouve pas la question si évidente, même si, comme Fauquet, je préfère la version avec harmonium, comme bon nombre d'entre nous, j'imagine...

Prélude,  Fugue et Variation est publié dans ses deux versions sous l'opus 18. La version pour duo piano et harmonium est estimée vers 1865 (JMF p. 854). Le manuscrit est perdu pour la version pour orgue, version qui aurait été donnée par Franck à Sainte-Clotilde le 17 juin 1864 (JMF p. 867), ce qui signifierait qu'elle soit l'originale.

Dans les faits, je suis circonspect, car :
- l'écriture à l'orgue sonne moins pleine que dans le duo (certains passages sont réellement harmonisés et pas à l'orgue) ;
- l'écriture fonctionne mieux pour la variation avec les doubles à la main droite au piano (passablement inconfortables pour qui n'a pas de grandes mains,  avec les croisements en plus - ceci dit, entre la Prière,  la Grande Pièce symphonique,  la Fantaisie en la et le Premier Choral,  on en trouve d'autres exemples, sans même parler de ses pièces pour piano) ;
- le passage "choral" entre le Prelude et la Fugue se justifie pleinement au piano par les arpèges qui balayent tout le clavier, alors qu'à l'orgue,  même avec la réverbération,  les points d'orgue sont un peu creux ;
- les registration s d'orgue sont difficiles à faire tout seul (qui réussit à rajouter les jeux à la pédale sans tricher avec la tirasse d'un clavier secondaire ? qui réussit à ajouter les fonds 16 à la fin de la fugue, en même temps que les anches du récit ? qui réussit tout seul et confortablement (sans comjinaison) à revenir à la registration de la variation ?).
- les mouvements de boîte sont extrêmement difficiles à réaliser à l'orgue, si on veut tous les faire, surtout avec un cuiller complètement à droite (comme à Sainte-Clotilde à l'époque), alors qu'on a besoin de ses deux pieds pour assurer un minimum de legato, en revanche, aucun problème à l'harmonium (pour moi il s'agit d'une retranscription littérale des soufflets de la partition en duo).

Bref, on pourrait discuter longtemps, j'ai certainement fait d'une vraie conviction une fausse certitude.

17 novembre, la création (p. 867).
Bien sûr, tous ces arguments sont pertinents mais on croise de semblables inconvénients dans d'autres œuvres...
De toute façon, depuis un article de Ferrard, les Fauquet, Verdin, etc. se sont rangés à cet avis. Je voulais simplement exprimer le fait que ce n'est pas parce que la version avec harmonium est la plus réussie et la plus facile à jouer, que cela en fait forcément la version originale. L'entrée de la main gauche à l'harmonium, en particulier me gêne un peu (sans double expression).
Je signale aussi une transcription de la pièce pour violon, harmonium et piano, chez Durand.

Autre hypothèse plausible : les deux versions ont été composées quasi conjointement. Restent l'analyse graphologique et celle du papier  

Merci pour tous ces éclaircissements. Les manuscrits ont-ils été retrouvés ? Dans le numéro 44 (1990-II) des Cahiers et mémoires de l'orgue, Marie-Louise Jaquet-Langlais écrit que les sources les plus anciennes sont la première édition, de Maeyens-Couvreur en 1868, pour les deux versions (ce qui prouve au passage que la version pour harmonium et piano ne date pas de 1873). Elle mentionne également le fait que André Marchal soutint toujours que la version pour harmonium et piano était la plus ancienne.

A ma connaissance, le manuscrit de la version pour orgue n'est pas localisé; la version pour piano et harmonium est à la BnF: Ms. 1835.

Merci ! Quelle efficacité !