Petite virée de l'autre côté de la Manche.

Je suis allé ce week end chercher à côté de Cambridge le reed organ à deux claviers et pédalier que j'ai acheté il y a maintenant presque trois ans et que je n'avais pas encore eu l'occasion de transférer.
J'ai mutualisé le voyage avec un ami facteur d'orgue qui a trouvé là bas un jeu d'occasion qui lui était nécessaire.
La bête que j'ai ramené est un Apollo, des facteurs d'orgues Rushworth and Dreaper, que j'ai déjà évoqué plusieurs fois en ces pages.
C'est de la très bonne facture, mais la contrepartie en est un poids non négligeable. Cela reste cependant très gérable, d'autant plus que c'est du solide, avec un châssis supportant un panneautage, contrairement à mon Spencer où le panneautage est le châssis.

La mécanique est très agréable, le pédalier spacieux, et le tout aux cotes RCO (Royal College of Organists, équivalent british des cotes Malines). Ceci dit, le mien n'est pas encore en fonction, il va me falloir tout démonter, nettoyer, remonter, régler, etc.
Voici quelques photos une fois en place chez ma grand mère, au fin fond du sud Aveyron (pléonasme...)

Vue générale (les panneaux sont démontés) :


La plaque des facteurs (on note de part et d'autre les claires-voies rappelant le drapeau anglais):


Qu'est-ce que cette drôle de chose au dessus du pédalier ?


Ce sont les pédales pour pomper seul. Elles ont disparu sur les modèles plus récents et furent remplacées par une expression à bascule.


Mais l'ami qui me le stockait est un collectionneur de diverses choses, entre autres des harmoniums. Il a récemment vendu son Mustel à célesta, et vient de vendre son Mustel à trois claviers à un monsieur hollandais. Plusieurs de pièces dans les dépendances de sa maison sont trop encombrées d'harmoniums pour qu'on puisse y circuler.
Et il a eu l'infinie générosité de me faire cadeau d'un de ses instruments. Ceci :


Qui est un Alexandre à deux claviers, qu'il a revernis, dont les pompes ont été (assez mal) refaites avant qu'il ne l'achète, et qu'il a aussi et surtout accordé.


Désolé pour le halo du flash.
En gros on a les 4 jeux classiques au clavier du bas, un second hautbois et une seconde clarinette au clavier du haut, avec un jeux céleste. Les genouillères (démontées ici) commandent des jeux de volets d'expression.
Il y a encore un peu de travail dessus (mécanique, réfection du système de genouillères, et surtout changement du revêtement des pédales...), mais c'est un beau cadeau !
Voilà pour les nouveaux pensionnaires en résidence chez ma grand mère.
Je n'ai pas fait le voyage pour rien...

Oui c'est un beau cadeau! Belles bêtes. On te souhaite de belles heures de musique.

Noël

Bravo pour ces acquisitions ! ... Manque plus qu'à acheter le château qui va avec.
Pour l'apollo, voilà un intrument qui doit être bien sympatique pour travailler l'orgue... Si je comprend bien, on a le choix de faire pomper quelqu'un, ou de pomper soit même avec des pédales escamotables ?

Quant à l'Alexandre, si tu ne l'avais pas dit j'aurais juré qu'il s'agissait d'un Debain au vu du meuble (d'ailleurs il ressemble de très très près au mien)... Comme quoi on ne peut même pas s'y fier.

L'Alexandre est surprenant : a creuser....

Bravo en tout cas pour l'acquisition de ces instruments : en voilà 2 qui ne finiront pas à la décharge

Fred

Oui, deux très belles bêtes, que je suis retourné voir ce WE.
D'abord au sujet de l'Alexandre à deux claviers, on en trouve la description dans le premier des deux catalogues mis en ligne par Bastien ici, Page 18 du catalogue (20 du pdf).
On a bien au second clavier deux huit pieds, Baryton/Seconde flûte et Second Basson/Second Hautbois, le second Basson/Hautbois est désaccordé pour faire une Voix Céleste en 8 pieds.





On notera la pomette "forté" manquante, que je viens de trouver par miracle sur eBay...
Au chapitre des "bizarreries" on peut voir les marques laissées par les importateurs de cet instrument :






Désolé pour le flou des deux dernières, mais mon appareil n'a jamais voulu me laisser faire une photo correcte. Sans doute à cause du fort reflet ?
Quant à L'Apollo, je ferai un fil spécialement dédié à cet instrument.

A vote avis, quelle probabilité y a-t-il que ramenant un vieil harmonium anglais d'Angleterre, je l'installe dans le garage de ma grand mère, sous la seule canalisation qui s'y trouve ? Et que la dite canalisation, qui est là depuis 60 ans au moins, selon les autorités compétentes, se mette à fuire moins de deux mois après l'installation du dit harmonium ?

Vous pouvez voir sur la première photo du fil, le T incriminé. Il n'a pas beaucoup fuit, ma grand mère a rapidement remarqué le problème, mais assez pour remplir d'eau le bas de la caisse de l'Apollo et la planche à roulettes qui le supportait.

Du coup, la planche de support, que je pensais faire de contreplaqué de marine, et n'était que de l'aggloméré medium, était complètement déformée et moisie. Et l'intérieur de l'instrument présentait de nombreuses traces de moisissure et de champignons. De plus, tous les balanciers de la mécanique de pédale étaient rouillés.


Arrière des balanciers de la pédale. On note deux balanciers par note. Les espacés pour actionner les soupapes de l'Open Diapason 16, les resserrés actionnent les soupapes de la Subbass 16 et les tirasses (voir photos suivantes).

Moi qui pensais terminer la remise en état de l'Alexandre 2MP (son voisin, dont le meuble lui aussi généreusement arrosé, était recouvert en bas d'un joli tapis vert, mais ce n'était pas dramatique, essuyage à la térébenthine et repassage au xylophène...), j'ai dû entreprendre d'urgence des travaux pour stopper la progression des dégâts.

Après analyse et contre-analyse, j'ai dû me rendre à l'évidence : pour accéder aux balanciers de la mécanique de pédale, il faut tout démonter. Somiers du Swell et du Great, table principale et soufflerie. Joie. Intense. Je n'avais pas prévu ça avant quelques années, le temps de terminer l'Alexandre 2MP.
Du coup, j'ai effectué le démontage en une après midi, avec un gros nettoyage (aspirateur, brosses, eau savonneuse...) afin d'éliminer la couche de poussière noire et floconneuse qui recouvrait tout l'intérieur. Je pense qu'il faut voir là le résultat de décennies d'éclairage au gaz (noir de carbone produit par la combustion incomplète), et j'en ai discuté avec le Dr Brian Styles, qui pense que la haute teneur en soufre du gaz d'éclairage anglais, allié à l'humidité du climat explique la rouille systématique de toutes les parties ferreuses des instruments de cette période. En effet, la combustion du soufre crée des oxydes de soufre (notamment SO2) qui se dissout dans l'humidité et la condensation pour former du H2SO3, acide sulfureux, qui attaque les métaux.


Soupapes de l'Open Diapaon 16 du pédalier. Dans la petite boîte, la Subbass 16 du pédalier (eh oui, deux véritables 16' au pédalier). Noter la petite trape pour ouvrir ou fermer la boîte afin de choisir la puissance de la Subbass... On viot aussi les pattes en métal équipant les 30 premières notes de chaque clavier, qui font partie des tirasses.

Le système Subbass 16 et Tirasses, démonté.


Le sommier du Great et l'accouplement à masselottes, une fois le sommier du Swell et les claviers démontés.





Balanciers de l'Open Diapason

Balanciers de la Subbass
Bref, un gros travail de nettoyage, suivi du démontage des balanciers (montés sur un système ingénieux) à raison de deux balanciers par note. Après avoir retiré les anciens feutres, eux aussi ruinés par bientôt 100 ans de vie et un bain récent, j'ai nettoyé à grande eau très savonneuse la planche du fond qui était moisie, séché le tout au sopalin pour ne pas laisser trop d'humidité, la chaleur de l'été aveyronnais a fait le reste rapidement. Passage au xylophène généreusement, là aussi.
Ponçage des balanciers à la toile émeri, puis application d'un vernis spécial. Séchage, remise en place, restitution du feutre d'amortissage en dessous des balanciers longs, et du feutre qui se trouvait entre ces balanciers et les ressorts qui les plaquent contre la planche du bas.


Après nettoyage et restitution des feutres
J'en ai profité pour nettoyer le tirage de jeux sur la table principale, lui aussi envahis par cette poussière noire.
J'ai ramené quelques parties sensibles chez moi pour travailler dessus au calme. Notamment les deux systèmes de tirage de jeux qui sont particulièrement ingénieux. Je dois dire que pour avoir démonté partielement mon Spencer l'an dernier, l'Apollo est nettement plus ingénieux et solide, ce qui se paie en poids, mais a sans doute bien des avantages au niveau de la fiabilité...
Prochaine étape sur place : réparation et remontage de la soufflerie, de la table principale, restauration des feutres des claviers, remontage de tout ça.

L'harmonium : on sait quand on commence, on ne sait pas quand on termine.
En tout cas, la mésaventure nous offre des photos fort intéressantes.

Cela aurait pu être bien pire, je me rends compte... J'ai pris des mesures contre les autres fuites possibles sur le reste de la canalisation...
Et ça m'a permis de mieux comprendre ce que cet instrument a de spécial. Et c'est vrai qu'on y trouve à bien des niveau la marque de facteurs d'orgues (claviers en pleine longueur axés au milieu, système de combinaison de jeux typiques de 'orgue victorien tant dans son système que dans sa conception, etc.), mais aussi le grand soin apporté à la construction. pas une goupille qui n'ait sa petite patte en fer blanc pour la maintenir en place, pas un axe qui ne soit entouré d'un feutre au passage à travers d'autres pièces, etc. Vraiment un instrument que je ne regrette pas d'avoir été chercher aussi loin !

C'est vraiment de la facture d'orgue cet Appolo. Désolé pour toutes ces déconvenues. J'espère juste qu'il n'y a pas de digue ou de barrage hydroélectrique à proximité de chez ta grand-mère...

Bonsoir,
Cher Mathieu, je compatis sincèrement car il m'est arrivé la même chose il y a trois mois, la pièce où j'ai installé mes harmoniums a été inondée à la suite d'un violent orage. C'est de ma faute, je n'avais pas nettoyé les gouttières, inutile de vous dire que maintenant je les vérifie régulièrement.
Dans un premier temps, après un court instant de découragement, j'ai démonté, séché, nettoyé, remonté et reciré les cinq instruments qui avaient reçu de l'eau. Ensuite, il a fallu sécher la pièce, petit bout par petit bout en déplaçant à chaque fois les harmoniums (pourquoi sont-ils si lourds ?)



Ensuite, j'ai dû vider la pièce pour changer le revêtement de sol qui était trempé et il a fallu stocké les six harmoniums dans la salle à manger et la cuisine.




Très décoratif un harmonium pas encore remis en état dans la cuisine !



Enfin ce n'est qu'un mauvais souvenir et quand on aime, on ne compte pas ! Je vous souhaite bon courage pour la remise en état de vos instruments.
Amicalement,
Jean-François

Mes petits chariots bon marché pour déplacer les harmoniums:une planche de novopan et 4 roulettes de chaises de bureau modifiée!Possibilité de doubler les roulettes si l'harmonium est trop lourd...