Voici donc quelques explications et photos supplémentaires, prises à différentes étapes de la restauration.
Je tiens au préalable à préciser que je ne suis pas du tout un professionnel (ni des harmoniums, ni des pianos), et que mon expérience en ce domaine est toute récente et bien limitée. Je suis conscient que je ne possède pas non plus le vocabulaire spécifique… je ne serai donc pas vexé si vous le corrigez, bien au contraire !
Je n'ai malheureusement pas pris systématiquement des photos de tous les éléments avant restauration, et encore moins de toutes les petites étapes entre avant et après. Le but ici n'est donc pas de présenter la restauration de façon exhaustive, mais de faire partager quelques points qui me paraissent intéressants.
1) Du souffle Les deux soufflets étaient éclatés, il fallait donc déposer toute la soufflerie. Cela a permis, de plus, de traiter correctement le meuble dont le bas commençait à être sérieusement infesté de vrillettes.
Pour déposer la soufflerie, il faut démonter d'abord tout le reste. Après avoir enlevé également les vis qui la fixent au meuble, elle s'enlève comme un (très gros) tiroir, par l'arrière… ça ne coulisse pas très bien, c'est lourd, et il vaudrait mieux être deux pour ce genre de tâche !
Photo 1 - Dépose de la soufflerie :
Photo 2 - Un soufflet avant restauration (l'autre était dans le même état) :
Photo 3 - La soufflerie restaurée :
Après réfection, l'un des soufflets grinçait légèrement en fin de course. J'avais déjà rencontré un problème de grincement sur un autre instrument et ne voulais pas laisser passer celui-ci.
Il n'est pas facile de localiser précisément ce genre de bruit. J'ai utilisé la méthode du stéthoscope du mécanicien : on plaque le manche d'un gros tournevis contre l'oreille et on ausculte avec la pointe les différentes zones du malade (un vrai stétho doit marcher aussi !). Le verdict était sans appel : cela venait de la charnière principale… que je m'étais contenté de doubler de peau par l'extérieur, sans la défaire. Et il me semblait qu'il devait s'agir d'un frottement bois contre bois car le grincement disparaissait en tirant légèrement sur la charnière.
Par chance, on a un petit accès à l'intérieur du soufflet par la trappe qui fixe le ressort de rappel. Grâce à lui, j'ai réussi à glisser un morceau de peau préalablement encollé entre les deux plaques de bois. J'ai supposé que la peau qui sépare toutes les pièces de bois en mouvement dans un soufflet était usée à cet endroit. En tout cas, le soufflet ne grince plus.
Le soufflet réserve était en bon état. Par contre un conduit latéral était légèrement décollé (peut-être par les efforts du démontage). Je l'ai recollé en l'écartant légèrement et en injectant de la colle à bois dans l'interstice. J'ai ensuite collé de la peau comme on le voit sur le côté droit de la photo 4.
Je me suis rendu compte plus tard, lors du remontage, qu'il y avait des fuites au niveau des passages des tiges de registre, à travers la table des registres. J'ai donc refait et recollé les pastilles de peau qui assurent l'étanchéité.
Photo 4 – Arrière de la soufflerie remontée et passage des tiges de registres :
Enfin, le bourrelet du dessus de la soufflerie, assurant l'étanchéité avec la table des registres était bien aplati et j'avais l'impression, en refermant le sommier, que le serrage était bien léger. Pour y remédier, j'ai collé (légèrement) sur le bourrelet des bandes de peau (mégis d'environ 1mm d'épaisseur), comme on le voit sur la photo suivante. Il aurait peut-être été plus professionnel de la coller sur la table des registres, en vis à vis du bourrelet. Le problème alors serait de viser juste.
Photo 5 – Dessus de la soufflerie (joint renforcé ; au centre la trappe d'Expression) :
2) La table des registres et le sommierOn ne peut qu'admirer la facture de ces éléments : le choix du bois, qui n'a absolument pas travaillé, la qualité des ajustements, l'ingéniosité et la robustesse des assemblages bois-métal, etc.
Photo 6 – Dessous de la table des registres, soupapes :
Sur la photo suivante, on peut remarquer qu'il n'y a pas de soupapes de décharge. Renseignement pris, cela semble être le cas de la plupart des Debain sauf les tout premiers. Il me semble que le 4 jeux de Jean-François Gervais en a, il doit donc être très ancien. D'autre part, contrairement à ce que j'ai dit plus haut, cette absence n'est effectivement pas gênante ! La question me tracassait et je me suis aperçu que le problème venait d'un réglage un peu limite d'une tige de registre. Toutes mes excuses.
Remarquez aussi les bourrelets propres à chaque jeu (pas de bourrelet commun à deux jeux, sauf entre Basses et Dessus), et les gorges correspondantes sur les cloisons du sommier. Avec ce système, une fuite inter-jeux n'est pas possible.
Photo 7 – Dessus de la table des registres et dessous du sommier :
Sur la vue suivante, on distingue un peu mieux la numérotation des jeux.
Le jeu de Dolce, entre le 3 et le 4 côté Basses est marqué 6. La cloison entre 4 et 6, et son prolongement côté Dessus, sont amovibles pour permettre l'accès aux anches disposées verticalement.
Dans les Dessus, le jeu 3 est le plus bas sur la photo et est immédiatement surmonté des jeux correspondant au Musette et Céleste marqués 5 tous les deux. La cloison entre 3 et 5 est aussi amovible.
Photo 8 – Autre vue du sommier :
Quelques anches déposées permettent de voir l'état irréprochable du sommier.
Photo 9 – Anches déposées :
Pour le nettoyage des anches, j'utilise un petit bain à ultrasons, prévu pour le nettoyage des bijoux (35w, 600ml, 42000Hz). On en trouve sur Internet autour de 30 euros. C'est un peu faible et il faut insister un peu (mais attention, une puissance trop élevée peut endommager les anches). Je les passe deux fois trois minutes sur chaque face (12 minutes en tout), par lots de 3-4 à une dizaine, suivant leurs dimensions. Je change l'eau entre chaque lot.
Photo 10 – Nettoyage des anches aux ultra-sons :
3) Les soupapes et le clavier
Les soupapes étaient en très bon état. J'ai dû réparer seulement deux balanciers cassés. Pour le reste, j'ai juste nettoyé et brossé doucement les peaux, réglé les ressorts et aligné (autant que possible) les feutres recevant les poussoirs de touches (quelques uns ont dû être changés).
Le clavier était très jauni et usé, mais il ne manquait aucun dessus de touche en ivoire ni fronton.
La restauration du clavier a été décrite dans un message précédent. Voici des photos d'avant et après ces opérations. Je rappelle juste que, les touches étant très usées au milieu, je n'ai pas poussé le ponçage jusqu'au bout car il serait resté trop peu d'ivoire.
Photo 11 – Etat initial du clavier :
Photo 12 – Clavier poncé et poli :
Les touches sont très longues car elles commandent deux rangées de soupapes. Elles comportent donc chacune deux poussoirs montés sur tige filetée. Le premier poussoir est situé à peu près au milieu entre le point fixe et le deuxième poussoir. Lors du réglage final des hauteurs de touches, il faut donc agir deux fois moins sur le premier poussoir que sur le second, afin de conserver une ouverture simultanée des deux soupapes. Par exemple, si on visse d'un tour le deuxième, il faut visser également, mais seulement d'un demi tour, le premier.
4) Quelques détails sur les registresPhoto 13 - Tirants des registres :
Un détail intéressant : les tirants de Grand Jeu sont en général beaucoup plus durs que les autres puisqu'ils actionnent simultanément plusieurs soupapes. Ce n'est pas le cas ici car les leviers de commande de ces derniers sont beaucoup plus élaborés : munis d'une roulette en dessous et d'un système de réglage de la hauteur en dessus.
Photo 14 – Leviers de registres vus de dessous (au milieu : GJ et 1/2 GJ Dessus) :
Photo 15 - Leviers de registres vus de dessus :
Le Forté 3-4, très efficace, agit sur un volet au dessus de la deuxième rangée de soupapes, correspondant à ces jeux (+ 5 et 6). Il présente une charmante petite découpe.
Photo 16 – Volet de Forté fermé :
Photo 17 – Volet de Forté ouvert (on aperçoit les soupapes) :
Les porcelaines correspondantes ont le graphisme suivant.
Photo 18 – Porcelaine Forté :
Tandis que celles des registres de base présentent une petite partition !
Photo 19 – Porcelaine du jeu 1 :
5) Mes outils préférésPour finir, voici les outils, simples, que j'utilise certainement le plus :
- une très bonne règle
- de bons cutters
- des brosses à bijoux en nylon et laiton, et des pinceaux de différentes tailles, gardés propres
- des pinces un peu fines, et une pince qui se verrouille (articles de pêche)
- un marteau fin et léger, et bien sûr aussi une masse en caoutchouc
- une plaque à découper les feutres et peaux, en matériau dit "auto cicatrisant" (c'est relatif)
- enfin, bien que cela représente un investissement plus important (dans les 150 euros), très vite je me suis rendu compte que pour faire du bon travail avec les feutres et les peaux, il fallait un jeu d'emporte-pièce/découpe-joints.
Photo 20 – Mes outils préférés :
Bien sûr, il faut aussi de très bons tournevis et beaucoup d'autres outils plus ou moins onéreux peuvent être utiles, mais je voudrais souligner qu'on peut déjà faire pas mal de choses avec peu.